Lefebvre, Fernand Courcelles, 28 février 1920 – Mons, 14 février 2010 Pseudonyme : F. Lebon Plaisir
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Fernand Lefebvre - Archives famille Lefebvre |
Voici une bonne centaine d’années, Fernand Lefebvre naissait à Courcelles le dimanche 28 février 1920 . Originaire de Liberchies, son père Virgile Lefebvre (1) était instituteur à l’école communale des garçons à Courcelles-Motte. Quant à sa maman, elle était thudinienne d’origine gitane. Elle s’appelait Hélène Lecoyer.(2) Le couple eut deux autres enfants, deux filles : José et Maté.
Contrairement à ce que laisse supposer son pseudo, Fernand Lefebvre était un intellectuel à la gauche de la gauche très sérieux. Il utilisera son pseudo pour écrire quelques nouvelles policières vers la fin de sa vie.
Jeannine Verdès-Leroux définira Fernand Lefebvre en écrivant qu’il est un intellectuel de parti.
Après ses études primaires et secondaires, le jeune Fernand entre à l’Université libre de Bruxelles pour apprendre la sociologie. L’occupant allemand ayant fermé l’U.L.B., il terminera sa licence en sociologie à l’ Université catholique de Louvain.
Pendant ses études universitaires, Fernand se lie d’amitié avec Hubert Nyssen et écrit dans une revue appelée «Portulan», Revue dont le nom a été proposé par Hubert Nyssen et qui ne vécut que le temps de 4 à 6 numéros.
Avant
la fermeture de l'U.L.B. par les allemands, Fernand Lefebvre s'essaye
une première fois au théâtre et intégre le "Groupe théâtral libre de
l'U.L.B." Ce groupe théâtral n'avait rien à voir avec la troupe du
"Jeune théâtre de l'U.L.B."
Mais,
la troupe n'eut l'occasion de se produire qu'une seule
fois suite à l'occupation de la Belgique par les troupes nazies.
Il
est à noter que Fernand Lefebvre ne dédaigne pas le sport et qu'il fait
partie de l'équipe de hockey de l'U.L.B. Par la suite, il pratiquera le
tennis de table et sera pongiste de série C.
Après la fin de la Seconde guerre mondiale, il épouse Lucienne Raepsaet (3) qui a connu l’incarcération nazie trois ans durant au camp de Ravensbruck en raison de son appartenance à la Résistance. Elle recevra, entre autres, la Croix du Prisonnier politique en mars 1948.
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Lucienne Raepsaet - Archives famille Lefebvre |
Lucienne mettra au monde et élèvera 7 enfants : Annick, Fabien (4), France, Frédérique, Gabriel (5), Marianne, Renaud. Les prénoms donnés aux petits Lefebvre sont des prénoms de héros de la Résistance ou rappelant la France. Son fils Gabriel m’a d’ailleurs confié à ce sujet que son père était un grand francophile.
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Fernand et Lucienne promenant Fabien -Archives famille Lefebvre |
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Debout : Hélène Lecoyer, Fernand Lefebvre, Mathé, ?. Avant-plan : Virgile Lefebvre, Lucienne Raepsaet - Archives famille Lefebvre |
Comme tant d’autres survivants des camps de concentration, Lucienne en reviendra profondément meurtrie et restera fort discrète concernant cette douloureuse période tout au long de sa vie. Cet épreuve aura un impact psychologique certain au niveau familial.
Autre élément essentiel, Fernand, issu d’une famille socialiste, est un communiste convaincu. Ce qui veut dire que leurs enfants recevront une éducation stricte mais, très riche intellectuellement.
Eh Oui ! Fernand Lefebvre est communiste comme beaucoup d’intellectuels de l’époque. Et pas n’importe lequel… C’est la lecture du livre «L’Espoir» écrit par André Malraux qui lui aurait insufflé l’idée d’adhérer au Parti communiste belge alors qu’il est étudiant à l’U.L.B.
A partir de là, la mécanique est lancée.
En 1944-45, Fernand Lefebvre est le rédacteur et le propagandiste de la revue estudiantine «Debout». Cette revue est l’«Organe de la Fédération bruxelloise des Étudiants socialistes unifiés» de tendance communiste de l’U.L.B.
Fernand
est d’ailleurs un des deux animateurs du «Cercle des Étudiants de
l’U.L.B.» avec Lucien André, également membre du Parti communiste.
En 1944, il collabore également au journal du Parti communiste belge «Le Drapeau rouge» en tant que critique littéraire. Il écrira 115 articles pour la rubrique littéraire et artistique. Sa collaboration au journal durera de 1944 à 1956. Il en sera même le rédacteur pendant une courte période.
Après la guerre, Fernand Lefebvre vient habiter à Charleroi. Il se présente aux élections communales de 1946 sur la liste communiste et est élu conseiller communal. Avec Emmanuel Willems, ils sont deux communistes à siéger au Conseil communal. Il a 26 ans.(6)
Mais, trois ans plus tard, sa démission est actée au Conseil communal de Charleroi en date du 6 février 1950. Il sera remplacé par Yvonne Ledoux.
A l'époque, la profession indiquée sur sa carte d'identité est journaliste. C'est aussi en 1946 que quelques uns de ses poèmes sont publiés dans l'anthologie "Trente-deux poèmes de guerre et d'amour" publiée par le Cercle littéraire de l'Université libre de Bruxelles.
L'écrivain Claude Morgan écrira au sujet de Fernand Lefebvre et d'autres jeunes poètes belges qu'ils écrivent "une poésie profondément enracinée dans le peuple et d'une grande chaleur humaine".
Nous pensons que c'est en 1946 que Fernand débute sa carrière d'enseignant à l’École provinciale de Service social nouvellement créée à l'instigation du "Bâtisseur d’œuvres sociales", le socialiste René De Cooman.
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Fernand Lefebvre donnant cours ou tenant une réunion ??? - Archives famille Lefebvre |
Le jeudi 16 janvier 1947, Fernand Lefebvre assiste à la Commémoration René Blieck à la salle de Toekomst – Schaerbeek. A cette occasion, il prendra la parole en tant que secrétaire des «Jeunes écrivains de l’U.L.B.» Sa sœur Mathé et René Gaspar diront des poèmes.
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Commémoration René Blick - F. Lefebvre 2ème à gauche - Photo "Le Drapeau rouge" 16/01/1947 - ©Doc. CarCob (Bruxelles) |
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Commémoration René Blick - F. Lefebvre 1er à gauche - Photo "Le Drapeau rouge" 15/01/1947 - ©Doc. CarCob (Bruxelles) |
Cette même année, les Éditions bruxelloises "Cyrano" publient "Profils d'amour" une anthologie poétique qui reprend notamment des poèmes de Fernand et de sa sœur Mathé.
Fernand fait également partie du «Cercle de Bruxelles» qui compte deux cents membres : des intellectuels et des étudiants universitaires. La majorité des étudiants est communiste et provient essentiellement de l’U.L.B.
C’est par ce biais qu’il fera la connaissance des auteurs belges Franz Hellens et René Lyr qui font partie de l’équipe de la revue d’obédience communiste «Les Lettres françaises» qui prépare un supplément belge à la-dite revue.
Ce supplément est un projet conçu par notre jeune militant communiste, Fernand Lefebvre. C’est également par le biais des «Lettres françaises» que Fernand fera la connaissance d’Aragon et de Paul Eluard. Nous sommes en 1949 et le premier numéro du supplément belge sort de presses le 15 juillet.
A l’origine, le supplément devait faire deux pages et finira par en compter quarante-cinq. Au départ, le comité de rédaction de ce supplément est composé de F. Hellens, A. Lyr, Charles-Louis Paron et de Fernand Lefebvre qui est le seul membre du Parti communiste belge de la bande.
Ensuite, l'écrivain communiste Ita Gassel vient se greffer à l'équipe et est responsable de la mise en page. Christian Dotremont, fondateur belge du «surréalisme révolutionnaire» et du groupe artistique «Cobra» ainsi que Joseph Noiret viendront régulièrement assister au comité de rédaction sans en faire réellement partie.
Le 14 octobre 1949, Fernand Lefebvre publie, sous forme de manifeste, un éditorial, «Pour nos peintres aussi la voie est tracée!…». Il écrit en substance " Pour les peintres progressistes, il n'y a pas deux voies possibles. Une seule s'impose : mettre leur talent, leur technique, les traditions héritées des maîtres glorieux au service du peuple..." .
Ce plaidoyer en faveur du «réalisme socialiste» en peinture et en littérature n'est pas du goût de tous les collaborateurs du supplément et aux adeptes du «Surréalisme révolutionnaire» tels Dotremont et Noiret.
Mais, l'autre problème de la polémique qui s’en est suivie, vient aussi du fait que Fernand Lefebvre ait fait paraître l’article sans en avoir informé quiconque, à part Ita Gassel. Il dira pour sa défense que, c'est l'écrivain Claude Morgan, responsable français des "Lettres françaises" qui lui a forcé la main. Suite à cela, Noiret, Hellens et Dotremont quittent le navire.
Mais, Fernand Lefebvre persiste et signe un article qui paraîtra dans le numéro du 4 novembre 1949 : "Forces murales": en marche vers un réalisme nouveau". A savoir, les peintres Dubrunfaut, Deltour et Someville qui s’accommodent des recommandations du Parti communiste en matière d'art.(7)
Ouvrons une parenthèse concernant Claude Morgan et Fernand Lefebvre. Le 24 janvier 1949 s'ouvre en France le procès dit "L'affaire Victor Kravchenko".
Le transfuge soviétique V. Kravchenko (8) attaque le journal "Les Lettres françaises" pour diffamation. En effet, un de ses journalistes a écrit que l'auteur du livre "J'ai choisi la liberté" était un "désinformateur" à la solde des États-Unis.
Fernand Lefebvre lance alors une pétition en faveur de Charles Morgan, directeur de l'hebdomadaire "Les Lettres françaises" et d'André Wurmser, rédacteur qui sont assis sur le banc des accusés. Ce sera cause perdue. Victor Kravchenko gagnera son procès.
En 1950, notre jeune poète associé à José Sheman dirige les «Cahiers de la Poésie nouvelle» édités à Namur.
Cette année-là, ils publieront un double numéro de la revue contenant des textes de Paul Eluard. Ce numéro spécial intitulé «Hommages» est un recueil de textes à la gloire du communisme, de Staline, Picasso, etc.
A la même époque, "Les Cahiers de l'Hyppogriffe" publient la plaquette de poèmes écrits par Fernand et intitulée "Événements".
Ce recueil, il le dédicace à sa épouse en ces termes :
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Collection Luc Heuchon |
De 1951 à 1955, notre jeune militant fait partie du comité de direction du périodique «Présence des Amitiés belgo-roumaines» avec entre autres, Charles-Louis Paron et Paul Libois.
En 1953, nous retrouvons également Fernand Lefebvre à la direction de la revue «Certitudes», organe mensuel de combat des écrivains belges de tendance communiste.
Survient la question royale et Fernand écrit à ce sujet. Il soumet son manuscrit aux Éditions Dricot qui le refuse.
Fin de la première partie.
(1)
Virgile Lefebvre : voir Ki, Kwa, Où..., 12e année, n° 131, juillet 2020
(2)
Hélène Lecoyer : dite Nénenne. voir Ki, Kwa, Où...,
12e année, n° 131, juillet 2020
(3) Lucienne Raepsaet : née, le 03/11/1918 et décédée le 02/08/1995. Militante communiste. A notamment été l'éditrice-responsable de "La Voix communiste", organe du Comité central du Parti Communiste Marxiste-Léniniste de Belgique de 1970 à 1990.
(4)Fabien Lefebvre : enseignant. A écrit un roman "La chute des anges" édité aux
Éditions du Cerisier en 1990. Couverture dessinée par son frère Gabriel.
(5)
Gabriel Lefebvre : illustrateur. Il a illustré les couvertures des livres écrits par son père. Il a aussi illustré bien d'autres livres pour enfants et adultes : "Les Fables de La Fontaine", "Adrien le musicien", des œuvres de Brel, Rimbaud, Khalil Gibran, "La Flûte enchantée" de Mozart, ... En novembre 1993, Gabriel a participé, avec notre peintre-animalier Domenico Terrana, à l'exposition "Les fables d’Ésope à La Fontaine" à la bibliothèque communale de Courcelles.
(6) Détail amusant, il siège au Conseil communal avec l'avocat Corneille Embise (PSB), originaire de Gouy-lez-Piéton et Léon Matagne (Echevin PSB) qui fut directeur de l’École industrielle de Courcelles (octobre 1921- décembre 1936).
(7) Mais, la messe est dite. Le supplément belge aux "Lettres françaises" ne paraîtra plus en mai 1950.
(8) Victor Kravchenko : né le 11/10/1905 en Russie et décédé aux U.S.A. le 25/02/1966. Membre du Parti Bolchevik et commissaire de l'Armée rouge pendant la Seconde guerre mondiale. Fuit l'U.R.S.S. en 1944 et dénonce les méfaits du stalinisme.
Luc Heuchon ©- Contact : alain.luc.richir.heuchon@gmail.com
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