mercredi 8 novembre 2023

C'est un joli Nom CAMARADE. C''est un joli Nom, tu sais... entre cerises et grenades... (Jean Ferrat) - Victor Paindaveine, un enseignant au service de la Patrie

Victor, Léon Paindaveine pousse ses premiers cris à Trazegnies le jeudi 27 mai 1909.


Victor Paindaveine en 1934 - ©Institut Émile Vandervelde (Bruxelles)

A notre grand dam, nous ne connaissons rien de la jeunesse du camarade Victor Paindaveine à part le fait qu'il fit partie des scouts socialistes les "Faucons rouges" et des  "Jeunes Gardes Socialistes" (J.G.S.)  de Trazegnies.

Réunion des J.G.S. - Tête de V. Paindaveine cerclée de rouge - Photographie ©Institut Émile Vandervelde (Bruxelles)
C'est dans ce cadre qu'il rencontrera sa future épouse Léona Motquin dont, il divorcera en 1942.

Professeur de mathématique dans la vie courante, Victor Paindaveine est une des figures de proue des Jeunes Gardes Socialistes de la Région de Charleroi. En effet, il en assuma la présidence au niveau régional et fut membre de la direction nationale.

C'est à ce titre qu'au début, il s'oppose farouchement à l'unification des Jeunes Gardes Socialistes avec les  Jeunesses Communistes. Lors du congrès des J.G.S.qui se teindra à Roux après les grèves de 1936 et la victoire aux élections législatives du P.S., les J.G.S. organisent,  sous la présidence de Victor Paindaveine, un congrès afin de donner une nouvelle orientation à leur combat et tenter un rapprochement  avec les Jeunesses communistes. 

Paindaveine et un dénommé Allard estiment que cette union rendrait les jeunes plus forts dans le combat contre le capitalisme et le fascisme. Mais, Fabrice Martens

Finalement, cette fusion aboutira avec beaucoup de difficultés sous l’appellation des "Jeunes Gardes Socialistes Unifiées" (J.G.S.U.) et durera peu de temps. En effet, les socialistes craignaient une mainmise communiste sur l'organisation.

Ceci dit, une autre source nous apprend qu'à la fin de l'entre-deux-guerres, Victor Paindaveine était farouchement opposé à cette union. Quid ??? Nous n'avons pu élucider la chose.

Réunion des Jeunes Gardes socialistes -  Tête de V. Paindaveine cerclée de rouge - Photographie ©Institut Émile Vandervelde (Bruxelles)
           Photographie

En septembre-octobre 1940, Victor Paindaveine  reçoit chez-lui des socialistes membres du Parti Ouvrier Belge (P.O.B.) ainsi que les communistes Henri Glineur et P. Bosson[sic],  membres du P.C. Une réunion des Jeunes Gardes Socialistes Unifiées aura également lieu à son domicile.

Henri Glineur collaborera avec Victor Paindaveine du 08/09/1940 au 22/06/1941 à la parution du journal clandestin "L’Étincelle"".

Dans un courrier daté de 25 septembre 1940, Victor Paindaveine rappelle à Hendrick De Man sa demande d'être reçu par lui.  De Man répond à son courrier en fixant rendez-vous à Victor Paindaveine.

Mais, le courrier date du 7 octobre et Victor le reçoit le jour mêm du rendez-vous. C'est-à-dire le vendredi 11 octobre. D'où, impossibilité de se rendre à la convocation. 

Léona Motquin envoie donc un mot d'excuses à De Man en demandant à ce dernier de reporter le rendez-vous à une date ultérieure. En sus, elle informe que Victor Paindaveine est alité car, il souffre d'une crise aiguë de la vésicule biliaire.

Finalement, nous ne savons pas si, ce rendez-vous eu lieu. Mais, au bas du courrier de Léona Motquin, il a été annoté : "D'après Tom, serait devenu communiste".

Quant à Victor Paindaveine, il date son adhésion au Parti Communiste fin mai 1941 et dans un premier temps, Victor Paindaveine fonde la cellule carolo du "Front wallon pour la Libération du Pays".

En avril-mai 1941, Victor Pandaveine, Jules Avaux et un dénommé Marcel  Lambotte  sont à l'origine de la création du  "Front de l'Indépendance" de la Région de Charleroi. Dans la foulée, Victor Paindaveine et Jules Avaux créent le journal clandestin "Le Pays wallon".

Après 4 ou 5 numéros parus du 03 avril 1941 à juillet 1941, le journal fusionnera avec "L'Indépendance" journal officiel du F.I. Victor s'occupe activement de la presse et des publications en général.

En janvier 1942, les allemands procèdent à l'arrestation du groupe "Wallonie Libre". Le domicile du couple Paindaveine-Motquin est perquisitionné. Dans la foulée, Victor Paindaveine est interrogé par l'autorité allemande à la rue Ernest Charles à La Louvière. où, il est interrogé

Il comparait à nouveau devant les représents de l'autorité allemande le 3 mars 1942 avec un autre résistant dont, il ne connaîtra pas le nom. Ils sont interrogés au sujet des groupes armés de Charleroi.

Suite à une deuxième visite de la Gestapo venue à son domicile pour l'arrêter, il décide avec son épouse d'entrer dans la clandestinité. Nous sommes le 22juillet 1942, le couple  part pour le Borinage.

Victor devient alors le responsable régional du Front d'Indépendance (F.I.) de la Région du Borinage. De temps à autre, les époux Paindaveine-Motquin sont en contact quoique déjà en instance de divorce.

Il continue cependant de publier en collaboration avec Jean Terfve (2) le journal régional "L'Indépendance".

Début janvier 1943, Victor Paindaveine est envoyé à Liège comme responsable provincial du F.I. Il a été écrit que c'était suite à une indiscrétion de son beau-frère Arsène Motquin qu'il fut arrêté en avril 1943. Ce qui n'est pas tout à fait vrai...

Pourquoi ??? Victor Pandaveine a également dans ses attributions la récolte de fonds pour le Maquis : aides matérielles aux résistants et réfractaires ainsi qu'à leurs familles, pour la parution des journaux et tracts clandestins, ... 

Ayant appris qu'il était possible "d'obtenir  de l'argent afin de soutenir notre mouvement. Mon beau-frère Motquin Arsène avait fourni tous les renseignements me permettant d'entrer en liaison avec le représentant d'une soi-disant qui était chargée d'aider la résistance en Belgique notamment. A cette époque, j'avais besoin d'une forte somme (100 000 frs) pour payer une imprimerie que j'avais achetée afin de tirer régulièrement les journaux du F.I. Je me suis rendu à Paris le 1er ou 2 avril où devait se traiter l'affaire. Là, je fus mis en contact avec un appelé Jacobs de nationalité belge qui me versa [un acompte de] 250 000 fr français que je ramenai en Belgique".

Victor Paindaveine fit appel à un dénommé Clément domicilié à Bruxelles. C'est ce dernier qui l'avait conduit à Paris pour obtenir le prêt. Fort de cette expérience et voulant en faire profiter le F.I. et le Parti communiste, le camarade Victor Paindaveine leur fait parvenir un "mot". 

Suite à ce "mot", il obtient une entrevue entre Pier Nothomb du P.C. et "Nicolas", le responsable national du F.I. Ces derniers lui reprochèrent de s'être rendu à Paris sans leur en avoir demandé l'autorisation.

Pour sa défense, Victor Pandaveine répondit qu'il avait voulu se rendre compte personnellement de l'offre faite avant d'en référer au mouvement. Après une mise en garde, il fut autorisé à conclure l'affaire et ensuite, de la transmettre à la direction nationale du F.I.

Fort de cela, Victor Pandaveine reçoit à Bruxelles, Jacobs, son contact  parisien. Ce dernier devant lui apporter un quart de million pour compléter la mensualité que le F.I. devait recevoir suite aux premiers accords.

Cependant, cela ne se passa pas comme prévu. En effet, "J'ai rencontré ce Jacobs qui m'apprit que son chef avant de terminer définitivement l'affaire  désirait me parler afin de liquider certaines questions de détail."

Résultat des courses, Paindaveine doit à nouveau se rendre à Paris où, il toucherait les 250 000 francs français qui ne lui avaient été apportés.

Avant de se rendre à Paris, Victor Paindaveie doit rencontrer "Nicolas", le responsable national du F.I. Malheureusement, il ne rencontre que son courrier qui lui transmet un mot qui l'informe que "Nicolas" est dans l'impossibilité de le voir du fait des difficultés et des dangers rencontrés à Bruxelles en particulier.

C'est pourquoi, "Nicolas" le prie de conduire toutes les affaires au mieux. Victor Paindaveine retourne donc à Paris pour terminer cette affaire de subsides sans se douter qu'il est tombé dans un piège tendu par l'Abwehr.

A son arrivée Gare du Nord, il est arrêté et conduit à la prison de Fresnes où, il est interrogé. Victor écrira à ce sujet : "Au cours des interrogatoires qui suivirent, je niai malgré les coups, appartenir au F.I. et de m'occuper d'espionnage, de sabotage, de publications clandestines. Je reconnus avoir simplement recherché de l'argent pour le compte d'une petite organisation clandestine intitulée "Parti socialiste wallon" qui s'occupait de venir en aide aux familles des prisonniers politiques. Le texte de ma condamnation que j'ai ramené avec moi d'Allemagne, déclare : "L'accusé V. Pandaveine est condamné à 18 mois de prison à cause de sa participation à une organisation interdite."

Par la suite, il est transféré en Allemagne dans le Land de Rhénanie du Nord-Westphalie à Hagen où, il reste emprisonné jusqu'à l'arrivée des américains le 15 avril 1945.

A partir de cette date et jusqu'à son retour en Belgique le 29 mai 1945, Victor Paindaveine s'occupe du rapatriement des prisonniers belges   dans leurs foyers. De retour en Belgique, il continue à s'occuper du rapatriement de ses compatriotes. A partir d'août 1945, il succède à Paul Van Zeeland au poste de Directeur général au Rapatriement.  Fonction qu'il occupera jusqu'en janvier 1948, date à laquelle, le Comité belge au rapatriement sera dissous définitivement.

Mais dès son retour en Belgique, Victor Paindaveine fut accusé par le F.I. de trahison. Suite à un mot de Despy entrevoyant la possibilité d'utiliser les compétences de Victor Paindaveine au sein du P.C. un fragment de rapport[sic] contenu dans un dossier au nom de notre trazegnien dit, en autres :

- que cela impose une enquête minutieuse vu que son arrestation est due "à un acte d'indiscipline caractérisé",

- qu'"il se serait sérieusement dégonflé en prison",

- qu'il aurait sollicité l'intervention de  De Man ou des gens de son entourage pour être libéré,

- qu'il "aurait adopté une attitude hostile à la position de lutte du Parti adoptant la prudence couarde d'une bonne partie des militants socialistes".

L'auteur dont le nom et la signature  n'apparaîssent  au bas de cette note souligne qu'il n'a pas pu vérifier minitieusement ces renseignements donnés lors  de "l'illégalité". Il termine sa note en indiquant que si Paindaveine est utilisable, il pourrait être repris au F.I. "où à certains moments, il a fait de l'excellent travail". Il estime également que vu son passé aux J.G.S. et d'un des fondateurs des "Faucons rouges", il serait une recrue de poid pour la Direction des Jeunesses Communistes. Mais, à condtion d'avoir des apaisements sur son engagement politique.

Concernant ces accusations , Victor Paindaveine y a répondu comme vous avez pu le lire plus haut dans la relation de son arrestation et de son incarcération.

Après son retour de captivité, il réside au N° 5 de la rue de Courcelles à Trazegnies.

Par la suite, Victor Paindaveine reprend du service au F.I.  Mais, son état de santé laisse à désirer. Cela lui vaut plusieurs mois de convalescence. A la même époque, il est Directeur au Rapatriement. 

Comprenne qui pourra ?

Par la suite, il reprend son métier d'enseignant. Ce faisant, il crée une école libre non-confessionnelle, l'Ecole de Plein Air à la rue Dieweg, N° 65 à Uccle dont, il sera le directeur jusqu'à sa retraite.

Quant à sa vie privée, Victor Paindaveine a épousé en seconde noce Simone Reumont, administratrice de société.

Bibliographie

Paindaveine, Victor

Ni fascisme, ni capitalisme! : les jeunes socialistes devant la guerre actuelle

. - La Louvière : Labor, 1940

. - 24 p.

Sources bibliographiques sommaires

Centres de documentation :

CArCoB - Centre des Archives communistes en Belgique

rue de la Caserne, 33
1000 Bruxelles

Téléphone : 02/513 61 99 et 02/513 15 83

http://www.carcob.eu

Dossier Victor Paindaveine

Service des Victimes de Guerre
Square de l'Aviation , 31 1070 Bruxelles
+ 32 2 528 91 00
contact :
aos_avg@arch.be

Dossiers Jules Avaux N° 773.059 - Dossier Jules Avaux FC 20 550 et Dossier Jules Avaux N° 622612/2684/2688 : Pro Justicia Interrogatoire Paindaveine

Institut Emile Vandervelde (IEV)

Centre d'archives
boulevard de l'Empereur 13
1000 Bruxelles

+ 32 548 32 12

Contact : bibliothe@iev.be

Photographies Victor Paindaveine

Ghenne, J.-C.

Le rapatriement des prisonniers politiques belges des camps de concentration : Mémoire de licence en Histoire inédit

. - Liège : Université de Liège, année académique 2001-2002 

. - Victor Paindaveine p. 45.

Gotovitch, José

Du rouge au tricolore : les Communistes belges de 1939 à 1944 :

 un aspect de l'histoire de la Résistance en Belgique

. - Bruxelles : CarCob, 2018

Maerten, Fabrice

Du murmure au grondement : la Résistance politique et idéologique dans la Province de Hainaut pendant la Seconde Guerre mondiale (mai 1940 -septembre 1944)

. - Mons : Hannonia,  1999

. - 3 vol. (1176 p.)

. -  Léona Motquin : pp. 126-127

. -  Victor Paindaveine : pp. 126-127

Poty, Francis et Delaet, Jean-Louis

Charleroi

.- Charleroi: Présence et action culturelles, 1985

. - 209 p.

. - Victor Paindaveine p.105

Auteur : Luc Heuchon©

Contact : alain.luc.richir.heuchon@gmail.com 

Reproduction partielle pour le texte autorisée à condition de citer la source. Pour la reproduction des documents photos, l'autorisation est  à demander à l'Insitut Emile Vandervelde à Bruxelles

 

 

 

 














mardi 11 juillet 2023

Un homme singulier... Florisse Lagneaux, premier bourgmestre socialiste de Courcelles.

En ce joli mois de juin 2023, je vais vous parler d'une personnalité politique courcelloise évoquée dans le KI, KWA, OU.... de février 2023. A savoir, le camarade Florisse Lagneaux, premier bourgmestre socialiste de Courcelles.

Homme étonnant que ce Florisse Lagneaux qui faisait partie de la bourgeoisie courcelloise et qui, à l'instar d'autres personnalités de son époque (le Dr Fernand Mascaux, l'avocat Jules Destrée,...) issues de ce même "Establishement", prit fait et cause pour la défense des droits et des aspirations des plus démunis.

Quelles étaient les motivations profondes de cet homme pour intégrer le P.O.B.  et de consacrer une partie de sa vie à la défense de la masse laborieuse ?

A vrai dire, il est difficile de les connaître car, nous savons peu de chose de sa vie privée et publique. Nous ferons donc avec les moyens du bord pour évoquer ce personnage qui n'avait pas la plume dans sa poche.

N.B. : Avant de débuter, il est à signaler que le prénom de notre quidam est bien Florisse et non Floris comme indiqué sur son bilan de gestion communale et sur les cartes postales représentant l'école industirelle en 1902 et 1907.

LAGNEAUX, Florisse - Joseph

Florisse Lagneaux - Extrait de "Histoire de Courcelles" / Élie Lemal,
édition 1914

Florisse Lagneaux est à Courcelles le 29 septembre 1852.

Il exerçait la profession d'Ingénieur-Conducteur des Travaux dans le milieu minier.

Bourgmestre faisant fonction de Courcelles 1895-1904.

Entre 1880 et 1883, le mouvement pour la conquête du Suffrage universel s'est mis en marche.

Cette période est ponctuée de grèves éclatant le plus souvent d'un seul puits de mine et durant de plusieurs jours à plusieurs semaines. Ces grèves sont déclenchées en réaction à la misère avec des revendications salariales et la volonté d’accéder au Suffrage universel. Toujours, elles sont réprimées par l’envoi des gendarmes ou de l’armée et souvent avec brutalité.

A ce propos et à propos de Florisse Lageaux, Achille Delattre a écrit dans son livre consacré à « Alfred Defuisseaux , un homme, une période » : "Les ouvriers étaient d’une naïveté surprenante quant au moyen de la grève pour conquérir le droit de vote. J’ai vu les ouvriers d’un seul charbonnage déclarer la grève pour le Suffrage universel. Le Directeur des Travaux nommé Lagneaux, homme compréhensif et aux idées larges et qui devint par la suite bourgmestre socialiste de Courcelles , arriva au charbonnage où il fit comprendre aux grévistes qu’un mouvement dans un seul charbonnage ne saurait avoir d’influence sur le Parlement."

Il leur dit :« ce qui faut, dit-il, c’est un vaste pétitionnement à adresser au Gouvernement. Si vous voulez, nous allons commencer. Je rédigerai, dit-il, la pétition et je la signerai le premier ». La masse des ouvriers applaudit cette déclaration inattendue et la grève n’eut pas lieu. A la remonte, la pétition était rédigée et le directeur avait signé en indiquant sa qualité. Aussitôt, le papier se couvrit de signatures, plus ou moins bien écrites et surtout de croix maladroitement tracées. « Ça y est maintenant, disaient les ouvriers, heureux de la bonne idée de leur directeur, si les chefs de fosses se mettent avec nous, la cause est gagnée ».

Mais, le chemin conduisant au Suffrage universel pur et simple est encore long. En 1893, L’État belge passe du Vote capacitaire(1) au Suffrage universel plural. Avec le système de vote plural, seuls les hommes de plus de 25 ans ont le droit de vote. Certains en fonction de leur fortune ou de leurs diplômes, ont droit à 2 ou 4 voix. Les femmes n'ont pas le droit de vote.

Prenons pour exemple la commune de Courcelles peuplée en 1899 de 14.749 habitants et 2548 électeurs pouvant voter, les voix se répartissent ainsi : 1436 électeurs à 1 voix, 675 électeurs à 2 voix, 293 électeurs à 3 voix et 144 électeurs à 4 voix soit un total de 4241 suffrages.

C'est le 17 novembre 1895, sous le système du vote plural que,  Florisse Lagneaux est élu au Conseil communal de Courcelles, sous la bannière du P.O.B.  Ce nouveau Conseil communal est composé  exclusivement d'élus socialistes et la composante chrétienne-libérale qui détenait le pouvoir absolu jusqu'alors, est tout simplement exclue du pouvoir.

Les 13 élus socialistes sont : Henri Dewiest, Pierre Joseph Dubois, Alexandre Ghislain dit le Ballon, Émile Gilbert,  Florisse Lagneaux, Ovide Lambiotte (ancien conseiller libéral), Albert Lemaître, François Maghe, ChristianFrançois Wéry. Mendiaux, Joseph Martin, le Dr Fernand Mascaux, François Noël,

Lors de l'installation du nouveau Conseil communal, Florisse Lagneaux est désigné en qualité de 1er Échevin et Officier de l’État -civil et devient le premier Bourgmestre socialiste de Courcelles.

Le Roi Léopold refuse cet état de fait et Florisse Lagneaux ne pourra porter que le titre de "Bourgmestre faisant fonction" (F.F.). Les socialistes Christian Mendiaux et Ovide Lambiotte deviennent quant à eux les 2ème et 3ème échevins.

Le système électoral plural prévoyant le remplacement d'une moitié des élus après quatre ans de législature, Florisse Lagneaux est  candidat à sa succession lors des élections communales suivantes et est réélu. Les deux échevins le secondant dans sa tâche sont cette fois, Albert Lemaître et Joseph Martin qui avait succédé à Ovide Lambiotte après le décès de ce dernier survenu en 1896.

Florisse Lagneaux dirigera la Commune de Courcelles jusqu'en 1904. Ensuite, nous perdons sa trace.

Place Florisse Lagneaux avec l’École industrielle en 1902 -  Collection L. Heuchon

Mais, ce qui retient surtout notre attention concernant Florisse Lagneaux, c'est le bilan qu'il a établi de la gérance socialiste de la l'Administration communale de Courcelles après quatre ans de gestion et des manquements de la majorité qui a précédé les socialistes au pouvoir.

D'entrée en page de garde, Florisse Lagneaux fait état de la dette communale qui était en date du 31/12/1895 de 536.987,61 francs de l'époque et de 482.065.05 francs en date du 31/12/1899 soit une diminution de la dette de 54.922.56 francs.

En outre, Florisse Lagneaux débute sa préface en ces termes : "Depuis de nombreuses années, la commune de Courcelles a été administrée par un Conseil composé exclusivement de catholiques et de libéraux, unis dans les mêmes pensées réactionnaires, parce qu'ils y trouvaient les mêmes intérêts privés. En effet, ceux qui dirigeaient notre Administration communale étaient les représentants de quelques grands industriels ou les domestiqués du clergé, qui se partageaient tour-à-tour tous les privilèges au détriment des contribuables, tout en fermant les yeux sur les abus qui se sont commis dans tous les services publics et notamment dans la tenue de notre caisse communale et dans l'administration du patrimoine des pauvres."

Le ton est donné. Florisse Lagneaux s'emploie ensuite à démontrer la mauvaise gestion de la coalition"Arc en Ciel" et les réalisations de la majorité socialiste en matière de gestion.

Passons le rapport établi par Florisse Lagneaux  au crible et débutons par l'Instruction publique. 

Florisse Lagneaux déplore que les enfants en bas aient été accueillis pour deux de ses trois classes dans des "taudis infects". Et la plus récente, celle du Trieu bâtie "en dépit de toutes les règles de l'art et de l'hygiène.

Mais dès 1895, les choses ont changé et quatre nouvelles classe gardiennes ont été construites.

Le constat pour les classes de l'enseignement primaire du Trieu et du haut de Forrière est du même ordre : châssis des fenêtres et toitures  laissant passer le vent, plâtras des plafonds tombant sur le sol des classes. A certains moments, les maîtres devaient licencier les élèves en raison du manque de clarté.

En conséquence de quoi, la nouvelle majorité fit construire de nouveaux locaux à Forrière et transformer  complétement ceux du Trieu. La majorité socialiste fit également construire des classes mixtes et gardienne dans le hameau de Sart-lez-Moulin.

En parlant du hameau de Sart-lez-Moulin et de ses habitants, Florise Lagneaux écrit : "...les habitants  furent toujours considérés par nos édiles doctrinaires comme des vassaux ne connaissant leurs seigneurs et maîtres pour recevoir en période électorale seulement une généreuse poignée de mains en échange des contributions versées à la caisse communale."

Le bourgmestre f.f. Lagneaux parle également des fournitures scolaires et du matériel didactique mis à la disposition ds élèves et des maîtres. Le constant est également édifiant : aucun contrôle quant à la distribution à la fourniture et la distribution des fournitures classiques. Notamment, les chefs d'école faisaient le commerce d'objet classiques. 

Le collège communal mit de l'ordre dans tout cela et améliora la formation des enseignants en leur fournissant des revues pédagogiques et en organisant des réunions périodiques entre la Commission enseignement et le personnel enseignant.

La nouvelle majorité s’employât également à réorganiser les cours pour adultes donnés dans les quartiers de Trieu-des-Agneaux et Rguignies. Cours indispensables pour aider les jeunes gens à consolider ou d'entretenir l'enseignement reçu à l'école primaire.

Par la suite, ces cours seront remplacés par les cours donnés à l’École industrielle.

Ah, l’École industrielle !!! En date du 8 avril1897, le Conseil communal décide de doter la commune d'une école industrielle et pour ce faire, élever les locaux de l'école du Trieu pour accueillir les élèves. En date du 26 avril 1897, un Arrêté royal donne le feu vert pour son organisation.

Cela ne se fera pas sans mal, Florisse Lagneaux écrit à ce sujet : "Nous ne passerons pas ici en revue les moyens employés pour saturer l'école industrielle de doctrinarisme réactionnaire,..."

Il termine le chapitre enseignement en parlant de la création d'écoles ménagères.

Passons maintenant à la section "Travaux publics".

Comme pour les écoles, Florisse Lagneaux déplore l'état dans le quel se trouvent nombre de bâtiments communaux cf la maison communale. Au sujet de laquelle, il écrit ceci :"La maison communale était dans un état déplorable;...Il est vrai que ces MM. ne se rendaient au pinâcle [Sic] que lorsqu'un intérêt personnel les y appelaient. Les rares proçès-verbaux de leurs séances en témoignent."

Le camarade Lagneaux parle également des l'état pitoyable des trois églises de la commune existant à l'époque. Et du fait que depuis l'avénement du P.O.B. à la tête de la commune, "...le clergé aidé des marguilliers ne manquèrent aucune occasion de tirer sur la caisse communale..."

Sous les auspices du P.O.B. au pouvoir, les puits communaux et les fontaines publiques ont été pourvus de nouvelles pompes à eau, les précédentes étant en ruine. Florisse Lagneaux signale aussi qu'un système de distribution d'eau a été établie au quartier des Culots (2) ainsi qu'aux quartiers de Wartonlieu et de la Glacerie.(3) 

Florisse Lagneaux fait également état du pavage de la rue du Trieu-des-Agneaux ainsi que le creusement d'un puits communal décider au Conseil communal du 14 octobre 1896.

Le conseil communal du 29 juillet adjugea à l'entreprise Adolphe Mestrez de Courcelles l'amélioration  de la rue dite "Basse Égypte" et fit exécuter des travaux de distribution d'eau.

Le mois suivant, il fut adjugé à Camille Éloy, un autre entrepreneur courcellois, les travaux de filets d'eau et d'assainissement de divers chemins.

Etc...

L'éclairage public est également évoqué. Au 1er janvier 1899, l'Administration communale négocie un nouveau contrat avec une compagnie gazière et l'installation gratuite pour les nouveaux abonnés et une diminution de 10 centimes le m3. Soit, le prix de 15 centimes au lieu de 25 centimes.

Usine à gaz de Courcelles (CP Édit. Émile du Ballon) - Collection L. Heuchon

Il est également décidé d'étendre l'éclairage public au gaz à toute la commune. L'Administration communale de Courcelles se réservant  le droit d'avoir recours à un autre mode d'éclairage "... si la science découvrait un procédé plus efficace et plus économique."

Les C.P.A.S. n'existant pas l'époque de Florisse Lagneaux, il existait un "Bureau de Bienfaisance" (4) chargé de faire l'aumône aux pauvres. 

En 1894, l'administration "doctrinaire" allouait un subside des pauvres  de 8.000 francs. Dans la perspective des élections communales de 1895, ce subside fut augmenté de 2.000 francs. A partir de l'accession des socialistes à la tête de la Commune, le subside fut porté à 18.953 francs soit près de 11.000 francs supplémentaires.

A partir de 1895, le bureau de bienfaisance est confié à 5 administrateurs  issus de la classe ouvrière. Ces derniers étaient secondés par 5 pères de famille pauvre pour les visites à domicile.

Quoique la dette communale ai déjà évoquée dans l'article, il est bon d'y revenir. En effet, à la veille des élections communales de 1895, un tract électoral de la coalition libérale-catholique de 1895 disait en substance "qu'il était dangereux de confier aux socialistes le "trésor amassé" alors que le montant des  annuités (dettes) de la Commune du au Crédit communal et au Trésor public s'élevait, sous la gérance de la coalition libérale-catholique,  à la somme de 536.98761 francs.

Pour appuyer ses dires, Florisse Lagneaux évoque dans son bilan de 4 ans de gestion socialiste plusieurs exemples cf. : la création de la route  Gosselies - Le Roeulx. Du 25 août 1841 au 31 juillet 1858, la Commune de Courcelles a versé la somme de 54.215 francs en achetant des actions ayant une valeur nominale de 250 francs. Soit un total de 200 actions et un reliquat en espèces de 4.215 francs.

Seules 40 actions furent déposées dans la caisse communale, les 160 autres ne furent pas réclamées à  la société ayant la gestion de la route. 

Le 6 juillet 1889, la société gérant la sus-dite route modifie ses statuts et réduit son capital. Résultat des courses, la Commune de Courcelles perd 160 actions.

En 1893, la Province du Hainaut rachète la route Gosselies-Le Roeulx à la société gérant la dite route. Cette dernière rembourse à ses actionnaires 125 francs par action. La Commune de Courcelles perçoit quant à elle la somme de 5.000 francs. 5.000 francs qui, pour une raison inconnue, n'entreront jamais dans la caisse communale.

Une partie est récupérée sous la gestion socialiste en exerçant un  recours à l'encontre du receveur communal de l'époque. Celui-ci étant décédé, ce sont ses héritiers qui durent rembourser la somme.

Seuls 2.500 francs purent être récupérés, les héritiers s'étant déclarés insolvables.

Pour le reste, beaucoup d'arriérés furent réclamé à la nouvelle majorité car, diverses dépenses n'avaient pas été réglées sous l'ancienne mandature.

Cerise sur le gâteau, une véritable hécatombe s'est produite parmi TOUS les employés communaux. A tel point que la nouvelle mandature dut faire appel à du personnel intérimaire pour assumer les tâches régaliennes de l'administration communale. Mais, leur guérison ne put être obtenue que par des moyens énergiques mais, efficaces.

Malgré et grâce aux efforts financiers consentis sous la nouvelle mandature pendant 4 ans, le compte communal de 1898 se clôture avec un boni de plus de 26.000 francs.

Pour parvenir à ce résultat, le Conseil communal taxa, dès 1896, les trois sociétés charbonnières présentes sur le territoire de Courcelles. Le montant de la taxe s'élevait à 10.000 francs à répartir entre elles.

En 1898, le Conseil communal vote deux nouvelles taxes percevables au 1er janvier 1899. 

Il s'agit d'une taxe de 1% sur les bénéfices réalisés par les sociétés industrielles après la déduction de l'intérêt nominal de chacune d'elles et d'une taxe de 4 francs par cheval-vapeur (c'est-à-dire "la force motrice". Sont exemptées les machines servant à la ventilation et à l'exhaure des puits de mines.

Mais, la pilule a difficile à passer. Les autorités compétentes ne cessant d’ergoter. Florisse Lagneaux émet "l'hypothèse" que ces autorités compétentes cherchent "... sans doute un moyen de frapper d'office les petits contribuables..." de la Commune.

Florisse Lagneaux est décédé à Hasselt en 1910.

Notes

(1)  Vote capacitaire : de 1830 à 1883 seuls les plus riches peuvent voter ainsi que quelques. A partir de 1883, le droit de vote est élargi pour les gens sachant lire et écrire ou ayant de l'instruction. C'est-à-dire, le vote capacitaire.

(2) Le quartier des Culots correspond plus ou moins aux actuelles rues Hubert Bayet et de Wartonlieu.

(3) Cela paraît étrange car, Élie Lemal écrit dans le chapitre de son "Histoire de Courcelles" que l'installation d'un réseau de distribution d'eau potable  à Courcelles débuta réellement avec le placement de la première conduite d'adduction d'eau le 2 juillet 1929 et que le Trieu et la rue de la Motte (actuellement rue Winston Churchill) furent raccordés au réseau en mars 1929[Sic]. Toujours d'après E. Lemal, un premier projet de distribution d'eau daterait de 1900 et enterré peu de temps après. En 1911, un autre projet vit le jour. Mais, il sommeilla dans les cartons  à cause de la Première Guerre mondiale avant d'être ressorti en 1920. Le Corps des Mines opposa son veto et le dossier mis au placard jusqu'en 1929.

Auteur : Luc Heuchon©

Reproduction partielle autorisée à condition de citer la source.

Contact : alain.luc.richir.heuchon@gmail.com

 

Bio-bibliographie succincte

Delattre, Achile

Alfred Dufuisseaux : un homme, une période

. - [S.l] ; Inst. Emile Vandervelde, [s.d.]

. - 188 p. : ill.

. - Florisse Lagneaux : p. 124-125

Journal...

Journal de Charleroi : [quotidien socialiste]

. - 1896-1905

Lemal, Elie

Histoire de Courcelles

. - Marcinelle : Imprimerie "La Concorde"

. - 181 p. : ill. hors-texte

. - pp. 157, 179    

Région... (La) 

La Région de Charleroi : quotidien

. - 1914-1918

Bibliographie

Lagneaux, Floris[Sic]

Quatre années de régime communal socialiste

. - Bruxelles : Imprimerie Veuve Désiré Brismée, 1899

. - 15 p.

Auteur : Luc Heuchon©

Reproduction partielle autorisée à condition de citer la source.

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mardi 16 mai 2023

Le "sulfureux" Docteur Fernand Mascaux au service des plus démunis, du P.O.B. courcellois...

Mascaux, Fernand
 
Le futur Docteur Fernand Mascaux est né à Courcelles  le jeudi 23 janvier 1868 à 9 heures du matin. Son père Auguste Mascaux était géomètre (1) et sa mère Amandine Monnoyer était femme au foyer. 
Photo "La Petite Lanterne", 06/03/1986

Fernand, Joseph Mascaux est le cadet d'une fratrie de quatre enfants. Ses sœurs et son frère se prénommaient : Maria (1850-1854), Malvina (1852-) et Auguste (1853-)
 
De son enfance et son adolescence, nous n'avons trouvé aucune trace. Il est à noter que son grand-père paternel Lambert Mascaux exerçait le métier de charbonnier (1). 
 
Fernand Mascaux fit ses études de médecine à l'Université libre de Bruxelles (U.L.B.). Celles-ci terminées,  il revint à Courcelles exercer la médecine générale .
 
Par la suite, il lui fut confié par les autorités publiques les missions suivantes : médecin hygiéniste, médecin-inspecteur des écoles et des denrées alimentaires, médecin de l'Assistance publique. Il fut aussi médecin agréé auprès de la S.N.C.B.
 
Venons en maintenant à l'homme politique : 
 
Quoique issu de la bourgeoisie, le Docteur Mascaux consacra sa vie à la défense des plus démunis. C'est donc tout naturellement qu'il adhéra au P.O.B.
 
Donc membre du P.O.B., il se présenta aux élections communales d'octobre 1885. C'était la première fois qu'une liste socialiste se présentait à Courcelles. Les 13 candidats présents sur la liste furent élus et obtinrent ainsi la majorité absolue et siégèrent seuls  au Conseil communal.
 
Ce fut Floris Lagneaux (2) qui devint le premier bourgmestre socialiste de Courcelles  et Fernand Mascaux occupa la place d' échevin de l’Instruction publique et Officier d’État civil.
 
Lors des élections communales de 1932, le Docteur Mascaux prend ses distances vis-à-vis du parti socialiste courcellois et présente une liste de socialistes indépendants. Il est élu et siège en qualité de conseiller socialiste indépendant lors de l’installation du nouveau Conseil communal en date du 10 janvier 1933. Cependant, il n’apporta pas son concours à l’opposition. Lors de sa prestation de serment, il fit celle-ci en flamand. La seule réaction à son geste provocateur fut l'hilarité générale. Par la suite, il siégera encore à deux reprises au conseil communal avant de donner sa démission le 29 mars 1933. Il fut remplacé par son suppléant Auguste Viatour, gérant du Café des Sports. Pour la petite histoire, ce café se trouvait sur la place Saint Antoine (actuellement occupée par le Monument aux Mineurs).

En 1889, Fernand Mascaux adhère à la Fédération française de la Libre-Pensée.
 
Le mercredi 15 mai 1900, Fernand Mascaux épouse à Newport Mathildis Emma D'haene de neuf ans sa cadette. Nous ne connaissons pas dans quelles circonstances, ils se sont rencontrés mais, le fruit de leur union se prénomma Lucien. 

Nous savons seulement de ce dernier qu'il devint aussidocteur en médecine en 1927 et eut une fille prénommée, née le 21 novembre 1928 Fernande. Celle-ci exerça également la médecine à Courcelles. Elle décédera tragiquement, assassinée par son dernier client le 1er septembre 1987, en son cabinet de consultation à l'avenue Jean Jaurès.

 
En 1901, Fernand Mascaux devint l'officier de santé de la 2ème compagnie d’Infanterie, 1er ban de la Garde civique de Courcelles.
 
Le Docteur Fernand Mascaux avait une réputation sulfureuse (3) auprès de la population bien pensante courcelloise vu ses positions en matière d'eugénique et de contraception. D'ailleurs, il donnait des conférences à ce sujet. En effet, il pensait qu'un des remèdes pour combattre la misère et éviter les conflits armés était la régulation des naissances. Il rejoignait ainsi la pensée de Thomas Malthus dénommée le" Mathulisme" qui préconisait la régulation des naissances par l'abstinence.

Cependant, certains pensaient que cela n'était pas suffisant pour enrayer le taux de natalité et qu'il fallait recourir à un autre moyen : la contraception. L'avortement restant un moyen ultime de recours en cas de nécessité absolue. Ce courant de pensée, créé en Grande-Bretagne en 1886, prit le nom de "néo-malthusianisme". Et,  Fernand Mascaux y adhéra.

C'est pourquoi, ce dernier créa en 1905, le mouvement néo-malthusien belge sous le nom de "Ligue de la Régénération humaine".
 
Afin d'aider son mouvement à propager ses idées, il créera en 1906, la revue "La procréation consciente". Ce mensuel se voulait être l'organe de la "Ligue belge de régénération humaine".
 
Le comité de rédaction de ce périodique était composé de Fernand Kolney, Urbain Gohier, Paul Robin, J. Rahier, Hector Rousseau, Paul Dhelos et Nelly Roussel. Les thèmes abordés étaient les maladies vénériennes, la libre maternité, la procréation volontaire et parfois, l'avortement.
 
L'éditeur-responsable de la revue était une éditrice. Celle-ci s'appelait Emilia Souply(4) et était institutrice à Courcelles. D'après les rapports de police concernant le Docteur Fernand Mascaux, Emilia Souply était sa maîtresse.
 
Suite à l'interdiction du  Ministre des Postes de l'époque d'assurer la distribution de la publication "La Régénération humaine", Fernand Mascaux en fit changer le titre par deux fois. En juillet 1907, la revue prit le titre de "La Vie heureuse" et de "Le Néo-malthusien" en septembre de la même année. Par la suite, la Ligue distribua, tant bien que mal, elle-même la revue.
 
Le Docteur Fernand Mascaux avait des accointances avec les milieux libertaires et anarchiques belges et français dont certains membres appartenant à ces deux milieux faisaient également partie du mouvement néo-malthusien.
 
Il entretenait également des relations très  étroites avec Paul Robin, responsable du mouvement néo-malthusien français.
 
 

De gauche à droite, assis : Paul Robin et le Docteur Fernand Mascaux.

Debout : Eugénie de Bast, Albert Gros, Gabriel Giroud, Fernandez et sa femme, Emilia Souply et Eugène Humbert  (mars 1907)

Outre son action de propagande pour la limitation des naissances, notre cher Docteur avait mis au point deux produits : des cônes préservatifs dits  "Cônes Mascaux" et des dragées destinées à palier les déficiences sexuelles de la gente masculine. Ces produits furent longtemps manufacturés dans un petit atelier situé à Jeumont (France) jusqu'en plus ou moins 1913. A cette époque, certains pharmaciens provoquèrent des incidents en signe de protestation au sujet des propositions commerciales de notre médecin courcellois.
 
Archives de Mme
De plus, 
notre bon docteur écrivait des brochures de vulgarisation sur la limitation des naissances vendues lors de conférences, ... et dans certaines librairies.
 
Collection Luc Heuchon
Les conférences étaient le plus souvent données dans des Maisons du Peuple et connaissaient un certain succès. En effet, le nombre de participants pouvait se chiffrer à 40, 70 voir 100-120 personnes.
 
Elles se faisaient le plus souvent en deux parties. Une première parties s'adressant à tous où, le sujet était abordé dans les grandes lignes (5) et une seconde partie à huis clos destinée aux membres de la Ligue et où, étaient présentés plus explicitement les moyens contraceptifs. Elles se déroulaient le plus souvent sous présence policière
 
Le mouvement néo-malthusien belge resta relativement modeste et cantonné essentiellement dans la partie francophone du pays. Il arrivait parfois qu'Emilia Souply et Fernand Mascaux prennent la parole lors de conférences données dans le Nord de la France.
 
En 1908, le Docteur Mascaux est dénoncé à la police par le curé de Châtelineau sous prétexte qu'une jeune femme mineure avait assisté à une de ses conférences. Notons que l'âge de la majorité à l'époque était 21 ans. Mais, cette jeune femme était mariée et mère de deux enfants et assistait avec son époux à la conférence du Docteur Mascaux .
 
Photo "La Petite Lanterne" 30/01/1985
 
Le 12 décembre 1908, le bon Docteur  Mascaux fut condamné par la Cour correctionnelle de Charleroi à trois ans de prison (dont un mois ferme) non pas pour obscénités et propos à caractère pornographique mais pour présentation, pendant ses conférences, d'images et d'objets jugés obscènes. En effet, les juges à l'époque eurent "l'intelligence" de faire la différence entre propos pornographiques et termes scientifiques afin que leurs sentences ne soient pas matière à contestation en cours d'appel.

Le Cardinal Mercier jubila quand il apprit le verdict. Il écrira à ce sujet "Tout récemment le tribunal correctionnel de Charleroi condamna un misérable qui avait répandu dans le public d'ignobles enseignements anticonceptionnels".

Le dimanche 2 mai 1909 eut lieu à Courcelles en la salle des fêtes de l"'Hôtel de Ville", un  Congrès néo-malthusien sur invitation. Celui-ci débuta mal. En effet, il fut placé sous haute surveillance à l'instigation du sieur Goffin, commissaire de la  police de Courcelles Outre, les policiers communaux, 10 gendarmes était présents pour vérifier si, tous les congressistes possédaient bien une invitation ainsi que leurs noms, adresses et qualités. 

Afin de mettre fin à cela, le Président du Congrès Victor Ernest décide que le Congrès se fera sous forme de conférence publique à laquelle pourra assister le commissaire de police. Vu les circonstances, certains orateurs se défileront discrètement dans les rues de Courcelles en attendant d'être reconduits en début d'après-midi à la gare par les organisateurs du Congrès.

Suite aux événements de la matinée, le Congrès débuta avec une heure de retard. Victor Ernest ouvrit la séance en donnant lecture de la  lettre d'excuses et de soutien de la présidente de la Ligue néo-malthusienne anglaise, Madame Drysdale-Vickery  qui exprime son regret de ne pouvoir être présente étant retenue en Angleterre par d'autres obligations. Suit la lettre de soutien de la Ligue néerlandaise.
 
Deux cent trente-huit délégués de la Ligue étaient présents dans la salle. Plusieurs orateurs se succédèrent à la tribune dans la matinée et condamnèrent l'attitude rétrograde des autorités civiles et religieuses envers la Ligue. Avant l'interruption de midi,  il sera procédé à la nomination des membres du bureau de la Ligue néo-malthusienne belge.  Le Docteur Mascaux est élu président, Victor Ernest , vice-président. Emilia Souply est élue secrétaire  et l'anarchiste belge Émile  Chapelier est élu secrétaire-adjoint avant l'interruption de midi.
 
La reprise du meeting prévue à 15 heures débutera à 16 heures et mille deux cents à mille cinq cents personnes se rendirent au salon communal en soutien à la Ligue. La session de l'après-midi débuta par un concert donné par l'harmonie ouvrière"La Paix" de Courcelles dirigée par le chef d'orchestre gosselien V. Allard.
 
Victor Ernest ouvrira la deuxième partie du meeting en reparlant des événements de la matinée. Emilia Souply lui succèdera à la tribune  et commentera le mandement de l'archevêque de Malines à ses ouailles : " Croissez et multipliez". Avec une grande éloquence, elle répondra à cette ordonnance en rappelant la triste condition de la plupart des familles du milieu ouvrier. Elle brossera un sombre tableau des enfants mourant de faim faute de nourriture, des jeunes mères  recourant à l'infanticide ou à l'avortement.
 
Elle insistera sur le fait que le nombre de ces "crimes", en nette croissance, sont liés à l'augmentation de la misère et à  la surpopulation. Ceux qui provoquent la surpopulation sont en grande part de responsables de la situation.

D'autres congressistes se succèdent à la tribune dont le libéral  M. Van en Haute qui dit en substance que bien qu'il ne partage pas les opinions politiques de certains des orateurs être en adéquation avec les idées prônées par la Ligue car pour lui, c'est essentiellement une question de bonne gestion économique. Ensuite, il dressera un tableau de poursuites judiciaires intentées à la Ligue  et s'insurgera plus particulièrement contre l'action judiciaire intentée à l'encontre du Docteur Mascaux et sa condamnation par le Tribunal correctionnel de Charleroi. 

A noter encore une intervention de François Liard-Courtois, membre de la Ligue français qui prit la parole après avoir été annoncé comme un délégué d'Auvelais. C'est Émile Chapelier qui clôturera le meeting.
 
En octobre 1913, le Docteur Fernand Mascaux devint membre de l'Académie des Sciences d'Italie  pour ses travaux et son engagement pour la cause eugénique.

La même année, il eut maille à partie avec la corporation des pharmaciens concernant ses pratiques commerciales  jugées trop agressives
 
Le 1er août 1914, l'armée allemande envahit la Belgique. C'est le début  d'une période sombre de 4 ans pour la population belge, surtout pour les plus humbles. Le Docteur Fernand Mascaux soigna gratuitement la population courcelloise la plus démunie.
 

En avril 1917, il fit don d'une partie de sa bibliothèque personnelle à l'Administration communale de Courcelles en vue de la création d'une bibliothèque communale.

Après la fin de la première guerre mondiale, il quittera Courcelles pour s'installer à Bruxelles. Square Ambiorix, n° 48.
Cependant, le Docteur Mascaux semble être revenu vivre à Courcelles début des années 30. (voir l'évocation de son parcours politique dans la 1ère partie de l'article paru le mois dernier.
 
Début des années 20, il cessera progressivement son combat pour la cause eugénique suite aux attaques répétées dont, il faisait l'objet de la part de la Justice.
 
Dès 1932, Fernand Mascaux présageât un second conflit mondial et préconisât le morcellement de l'Allemagne.
 
Revenons un instant aux élections communales d'octobre 1932 et au programme électoral du parti de  Fernand Mascaux se présentant en tant que socialiste indépendant.
 
Dans son programme paru dans le feuillet électoral du Parti socialiste indépendant "La Bombe", il est question de baisser les salaires des hauts fonctionnaires qui sont scandaleux par rapport aux salaires des mineurs et des sidérurgistes.

Il est également fait état des émoluments des politiciens : "Nous combattons également les allocations de n'importe quelle sorte allouées aux bourgmestre et  échevins, conseillers provinciaux, députés et sénateurs. Nous estimons qu'on ne doit pas se faire payer pour se dévouer à la chose publique; cela ressemble un peu à la femme qui accorde ses faveurs pour de l'argent. Nous ne voulons pas être de vulgaires marlous".

Le tract s'en prend également à la hiérarchie des administrations publiques : "Nous sommes ruinés, acculés à la banqueroute par tous ces gros fainéants d'administration qui font faire toute la besogne par leurs employés... Si on les laisse faire, ils auront bientôt leur jolie dactylo comme cela se passe dans tous les ministères de Bruxelles....". 
 
Comme on le voit , ce programme électoral ne faisait pas dans la dentelle !
 
De s'en prendre également aux partis traditionnels : "Les vieux partis sont usés; ils sont incapables de remédier à la triste situation actuelle : ils s'entendent d'ailleurs comme les larrons en foire. A Anvers, les catholiques s'allient avec les socialistes. A Bruxelles, les libéraux ont conclu le pacte suivant avec les catholiques : le bourgmestre actuel conservera son écharpe  même si les libéraux perdent la majorité et réciproquement les échevins catholiques resteront échevins quoiqu'il arrive. C'est l'alliance monstrueuse de la carpe et du lapin..."

Viens ensuite le cas de la haute-finance représentée par les banques: "... Ce sont ces bandits qui, lorsqu'ils font tomber les valeurs boursières au plus bas les rachètent et les refilent alors aux gogos souvent décuplées. La Bourse est un véritable jeu de hasard au même titre que les courses hippiques ..." Et d'évoquer le cas du rachat des "Charbonnages du Nord de Charleroi par une banque.

Côté positif du programme : 
- revalorisation des pensions de mineur,
- augmentation immédiates des salaires des mineurs et des ouvriers de la surface,
- fondation de syndicats à fonds réservés à l'assurance au décès et pension viagère sous garantie de l’État.
- création de coopératives où, les marchandises se vendront aux adhérents au prix de gros, trois ou quatre fois moins cher que dans les coopératives actuelles.
 
Également au programme, la limitation des naissances afin d'éviter le chômage et les guerres. In fine à ce point, il est signaler que le Docteur Mascaux a accepté de soigner à titre grâcieux, tous les invalides de guerre du pays et reçu à ce titre, une lettre de félicitations de son A.R. la Comtesse d'Oultremont. Il est à noter qu'il fut membre adhérent de la Section des Invalides de Guerre de Courcelles.

Le désarmement n'est pas oublié. Il est écrit en substance que le désarmement est une utopie : "Tant qu'on n'aura pas  morcellé l'Allemagne, toutes les autres nations d'Europe devront, malgré elles, retées armés jusqu'aux dents. D'accord avec la Russie des Soviets, elle prépare une guerre de revanche..."

Et en écrivant que de la tombe du Soldat inconnu ne sert qu'à entretenir la haine entre les peuples et qu'on ferait mieux d'y installer un tronc pour recueillir des dons servant au confort et à la santé des Invalides de Guerre.

Pour en finir avec la teneur de ce tract électoral, il est également fait état des dépenses des partis en matière de propagande électorale ou autres. Jugées faramineuses, l'idée est qu'en réduisant celles-ci, l'argent épargné profite à la construction d'hospices pour les vieux travailleurs.
Illustration parue dans le tract "La Bombe"
Lors des élections législatives du 27 novembre 1932, Fernand Mascaux se présenta aussi sur la liste des Socialistes Indépendants de de l'Arrondissement de Charleroi. Il recueuillit quelques centaines.

En 1940, lors d'une séance du Conseil communal de Courcelles présidée par A. Adam Bourgmestre (P.O.B.)  mis en place par les autorités allemandes,  le Conseiller communal (P.O.B.) Jules Avaux annonça qu'Hector Mascaux faisait don à la CAP courcelloise d'une somme importante d'argent devant servir à la construction de la Cité Druine avec pour exigence que l'Administration communale de Courcelles d'entretenir le caveau familial de la famille Mascaux se trouvant au cimetière de la localité.
Caveau Famille Mascaux - Cimetière de Courcelles - Photo Luc Heuchon
 
Quant au conseiller communal Alfred Coquette (P.O.B.), il signala  que le Docteur Fernand Mascaux faisait don d'un lot de livres pour la bibliothèque communale.

Par la suite, il retourna exercer à Bruxelles où, nous perdons sa trace. Le Docteur Fernand Mascaux décédera à Jette le 23 juin 1953.

Terminons  cet article par une note gaie. Le Docteur Mascaux semble avoir été naturiste et possédait une seconde résidence du côté de Landelies[SIC]. Un jour, le brasseur De Negry envoie un de ses chauffeurs y effectuer une livraison. Arrivé sur place, le livreur sonne et reste sans voix à la vue du Docteur Mascaux venu lui ouvrir la porte  complètement nu. Chose qui traumatisa le livreur.                                              

Notes : 
(1) Lambert Mascaux (Courcelles, 1769-1844) était ingénieur (des Mines). Il était un des trois concessionnaires de la Société [du charbonnage] de Falnuée avec deux autres membres de sa famille : Jean-Pierre et Joseph.
(2) Floris Lagneaux : Directeur des travaux dans un charbonnage, il sera le premier Bourgmestre socialiste de Courcelles. Une notice biographique lui sera consacrée dans le prochain  le Ki, Kwa, Où...
(3) Les mauvaises langues disaient qu'après avoir mis enceintes les bonnes travaillant pour lui, il les avortait.
(4) Emilia Souply (Courcelles, 01/08/1882 - Pierre-Bénite (France), 03/05/1974). Fille d'Hubert Souply et de Marie-Joseph Evrard, elle milita pour le droit des femmes à décider de l'usage de leur corps. Elle se maria à Paris (19e arrondissement) avec  Léon Ernest Bergere qui décéda en 1937. Emilia se remariera avec Arsène Bergere, le cousin de son défunt mari. Arsène décédera en 1965.  Elle n'eut pas d'enfant.
(5) Pour la première partie, c'était Emilia Souply qui s'y collait avec passion et conviction. La seconde partie étant  plus technique, c'était le Docteur Mascaux qui prenait la parole. 


Sources bio-bibliographiques

Conversations diverses avec Madame Marie-Rose De Negry (Courcelles) et Monsieur Armand J. Deltenre (Mons).

 Belgique active : Brabant, Hainaut

. - Bruxelles : Henri Willem, 1932

. - 582 p. : ill.

. - Fernand Mascaux : p. 103 : ill.


Clersy, E.
Une centenaire à Courcelles en 1885

In La Petite Lanterne,

N° 2266, me 23/01/1985, p. [3], ill.

N° 2267, me 30/01/1985, p. [x], imm.

N° 2271, me 27/02/1986[sic], p.[7], ill.

Defosse, Pol

Dictionnaire historique de la laïcité en BelgiqueFédération française de la libre-pensée

Le citoyen Dr Fernand Mascaux, conseiller communal a
Courcelles-les- Charleroi (Belgique), adhère a la Fédération 

in

"Bulletin mensuel de correspondance des groupes et adhérents fédérés"

. - Paris  : Libre pensée (France), 1896

. -  Fernand Mascaux : p 689

Lemal, Elie

Courcelles, son histoire

. - Marcinelle : Imprimerie La Concorde, 1930, 

. - 183 p. : ill.

. - Fernand Mascaux : pp.179-180 

MCLaren, Angus

Twentieth-Century Sexuality : a history

. - [S.l.] : Wiley-Blackwell, 1999

. - 306 p.

Stengers, Jean

Les pratiques anticonceptionnelles dans le mariage au XIXe et au XXe siècle : problèmes humains et attitudes religieuses (2e partie), 

in

"Revue belge de philologie et d’histoire", 

. - 1971, vol. 49-4, 

. - Fernand Mascaux : pp. 1129-1136

Villers, Stéphanie

L'avortement et la justice, une répression illusoire . : discours normatifs et  judiciaire en Belgique (1918-1940à judiciaires en Belgique (1918-1940)

. - Louvain-la-Neuve : PressesUniversitaires, 2009

. - 268 p.

. - Fernand Mascaux : p.39

Bibliographie
 
Mascaux, Fernand
Moyens de prévenir la grossesse
. -  Paris : Librairie de Régénération, 1906
. - 8 p.  
Mascaux, Fernand et Rutgers,  J.

Moyens d'éviter les grandes familles

. -  Paris : Librairie de Régénération